Par Michel St-Germain, FICA, Président de l’ICA
En février dernier, j’ai participé au Colloque sur les régimes de retraite et les investissements de l’ICA à Vancouver. J’ai renoué avec plusieurs actuaires de la côte ouest et obtenu de la bonne information sur les plus récentes avancées dans le domaine de la retraite. Après le colloque, j’en ai profité pour rendre visite à ma fille qui habite la région. À titre de grand-père, j’ai alors relevé un défi de taille : faire du ski alpin avec mes petits-enfants! La pandémie de COVID-19 a frappé et, par la force des choses, j’ai dû prolonger ma visite de quelques mois, soit jusqu’à ce que je puisse prendre un vol de retour vers Montréal.
Comme tout le monde, j’ai dû changer mes habitudes. J’ai appris à vivre en confinement et à apprivoiser de nouveaux outils de communication, notamment Zoom. Les deux dernières rencontres du Conseil d’administration de l’ICA se sont d’ailleurs tenues à l’aide de cet outil de vidéoconférence. J’en profite pour féliciter Marc Tardif qui a su amorcer le virage.
Durant cette période de confinement, j’ai également pris l’habitude de regarder quotidiennement les conférences de presse des autorités de la Colombie-Britannique, en particulier les interventions du ministre de la Santé, Adrian Dix, et de la directrice de la santé publique de la province, la Dre Bonnie Henry. En les écoutant, j’ai constaté que certaines de leurs façons de faire pour convaincre la population d’adopter de nouveaux comportements pourraient s’avérer utiles pour nous, les actuaires.
Bien que nous sommes tous des actuaires et que nous possédons des habiletés similaires pour analyser une situation et proposer des solutions, nous jouons des rôles différents : certains ont des responsabilités de gestion dans des compagnies d’assurance; d’autres utilisent de puissants modèles mathématiques de projection de réclamations ou de situation financière de régimes de retraite.
D’autres encore aident leurs clients ou employeurs à s’adapter à un nouvel environnement et doivent d’abord les convaincre d’adopter des mesures de changement. Je fais partie de cette dernière catégorie et, à mon avis, la Dre Bonnie Henry a démontré avec brio comment un expert peut gérer avec succès les changements. Elle a fait face à une situation difficile : convaincre ses clients, les citoyens de la Colombie-Britannique, de changer leurs habitudes pour affronter le plus grand défi de notre génération. Voici les sept éléments que je retiens de la remarquable performance de la Dre Henry lors des conférences de presse quotidiennes :
- Elle a saisi l’occasion d’établir sa crédibilité lors de sa première intervention publique. Le ministre, les politiciens, les médias et la province entière ont rapidement eu confiance dans ses messages.
- Elle a tissé une complicité fondée sur le respect mutuel avec le ministre Dix.
- Elle a fait preuve d’empathie envers ceux qui vivaient des moments difficiles.
- Ses communications étaient claires et bien vulgarisées. Elle avait le tour de combiner des conseils bienveillants à des mesures plutôt contraignantes qui, une fois mises en place, réduisaient la liberté des citoyens.
- Elle martelait, quotidiennement et patiemment, un message simple : be kind, be calm, and be safe. [Traduction libre : Faites preuve de gentillesse, demeurez calme et en sécurité.]
- Elle utilisait des projections mathématiques complexes concernant la propagation du virus et l’impact de la pandémie sur le système de santé (et non le nombre de décès) pour illustrer l’urgence d’adopter de nouveaux comportements, comme des mesures de distanciation sociale, mais elle utilisait un langage simple, adapté à son public.
- Elle savait que les décisions prises par les autorités et présentées au public devaient refléter les compromis difficiles faits entre la santé publique et le maintien de l’économie.
Je considère qu’elle a connu, en tant qu’experte, un succès remarquable en ce qui a trait à la propagation du virus. À l’échelle internationale, la Colombie-Britannique est effectivement parmi les endroits qui sont parvenus à bien tirer leur épingle du jeu durant la pandémie. Les citoyens de cette province ont été fort chanceux d’avoir eu une navigatrice de ce calibre à la barre durant cette tempête. Le New York Times l’a d’ailleurs reconnue dans cet article le mois dernier.
Pareillement, en tant qu’actuaires, nos clients et le public comptent sur nous pour naviguer durant les périodes de tempête. Souvent, nous devons les convaincre de la nécessité d’apporter des changements. Nous devons intervenir dans des situations difficiles et composer avec une clientèle diversifiée avec laquelle nous devons établir rapidement un lien de confiance, même si nos méthodes ne sont pas toujours parfaitement comprises. Nous utilisons des modèles complexes de projection que nous devons vulgariser et devons proposer des compromis entre des objectifs conflictuels.
Les conférences de presse de la Dre Henry ont donc été instructives à plusieurs niveaux. Ses méthodes m’ont permis d’établir plusieurs liens avec les habiletés requises pour exercer notre profession, notamment l’habileté à convaincre nos clients du bien-fondé de nos recommandations visant à favoriser l’adaptation au changement. Si vous en avez la chance, je vous encourage à en écouter quelques-unes. Comme moi, vous y apprendrez peut-être de nouveaux trucs.