Cet article a été publié initialement dans l'(e)Bulletin de l’ICA.
par Jing Lang, FICA
Il y a six mois, j’ai quitté mon emploi d’actuaire au sein d’une société de réassurance réputée pour intégrer une société d’assurtech à titre de gestionnaire de produits. Un changement radical, me direz-vous? C’est ce que je croyais aussi. Je me demandais secrètement si je ne venais pas de bousiller ma carrière. Mais en constatant à quel point la technologie a déjà révolutionné notre mode de vie, j’ai décidé de me lancer.
Plus tôt aujourd’hui, j’ai souscrit une assurance locataire auprès de la compagnie Lemonade, une opération qui m’a pris moins de cinq minutes sur mon téléphone. Lorsque je dois me rendre à l’aéroport, je réserve mon transport auprès d’Uber et lorsque je voyage, par affaires ou pour le plaisir, je recours à Airbnb. Ces exemples de technologie ne se rapportent pas tous aux assurances, mais ces avancées ont toutes eu pour effet d’accroître la connectivité et d’offrir des solutions plus efficaces, plus rapides et plus faciles que les options qui étaient offertes auparavant.
Qu’est-ce que l’assurtech?
Assurtech est un mot-valise qui vient de « technologie de l’assurance ». Il fait référence au rôle de premier plan que joue la technologie dans l’écosystème des assurances. Le terme fintech (technologie financière), qu’on utilise parfois de façon interchangeable avec assurtech, englobe les services financiers au sens plus large. Selon certaines recherches, en 2018, on évaluait le marché mondial de l’assurtech à 532,7 M$ US et l’on s’attend à ce qu’il atteigne le 1,1 G$ d’ici 2023[1].
L’assurtech peut comprendre :
- Des sociétés d’assurance qui ont intégré la technologie à leurs activités commerciales. Par exemple, Lemonade est une société d’assurances IARD offrant des contrats d’assurance locataire et d’assurance habitation. Oscar Health offre de l’assurance-maladie centrée sur le patient.
- Des entreprises de technologie ou des technologies particulières offrant une solution numérique à un problème précis dans l’écosystème des assurances. Par exemple, Insured Connect offre une technologie de plateforme reliant des sociétés d’assurance, des distributeurs et des titulaires de polices dans un même écosystème et GloveBox offre aux titulaires de polices un portail où ils peuvent gérer tous leurs contrats d’assurance (assurance-vie, habitation, auto) quelles que soient les entreprises auprès desquelles ils les ont souscrits.
En quoi les sociétés assurtech diffèrent-elles des sociétés d’assurance traditionnelles?
Les sociétés d’assurtech et les sociétés d’assurance traditionnelles ne devraient pas être mutuellement exclusives. Si l’on place chacune d’elles à une extrémité du spectre, la gradation entre les deux indique le degré de technologie intégré à leurs activités. L’intelligence artificielle, l’apprentissage machine, les appareils technovestimentaires, le traitement des réclamations en ligne et les dispositifs télématiques dans les véhicules ne sont que quelques-unes des facettes de l’assurtech.
Les assureurs traditionnels, soit ceux qui existent de longue date et dont la marque est bien établie, ont vraisemblablement survécu à des vagues de consolidation dans l’industrie. Ces entreprises transportent aussi des générations d’anciens systèmes, plusieurs administrateurs externes et des couches d’ajustements manuels. Une modernisation complète nécessitera fort probablement trop d’argent, trop de temps ou les deux. Pour ces entreprises, la solution la plus facile est le statu quo.
Mais afin de maintenir leur pertinence et leur caractère concurrentiel, de plus en plus d’assureurs traditionnels devront simplifier ou automatiser leurs services et processus d’exécution afin d’améliorer l’expérience client. Au fil du temps, les joueurs traditionnels devront adopter en plus grand nombre la pensée assurtech. Cette perturbation peut donner lieu non seulement à une meilleure expérience client, mais également à de meilleurs résultats financiers.
Pourquoi est-il plus difficile d’innover dans l’écosystème des assurances?
Tout d’abord, le secteur des assurances est assujetti à une réglementation rigoureuse, laquelle est importante dans une optique de protection de l’intérêt public. Dans l’écosystème des assurances, réinventer les lois et règlements ou en faire fi comme l’ont fait certaines technologies perturbatrices n’est pas chose facile, ni chose souhaitable. Deuxièmement, l’innovation technologique nécessite une capacité d’agir rapidement, d’établir des tendances ou d’adopter rapidement celles-ci et d’abandonner sans tarder les éléments inefficaces. L’industrie des assurances bouge lentement et l’innovation peut nécessiter trop de temps aux yeux des entrepreneurs et des investisseurs. Enfin, en raison du peu de chevauchement entre les compétences et l’expérience, bon nombre d’entrepreneurs en série qui ont bien réussi dans d’autres secteurs ne possèdent simplement pas suffisamment de connaissances en matière d’assurance pour réussir dans cette industrie complexe.
Comment les assureurs traditionnels peuvent-ils se rattraper?
C’est simple, mais pas nécessairement facile. Pour se rattraper et adopter l’assurtech, ces entreprises doivent d’abord déterminer ce qu’elles souhaitent améliorer. Plus cela est précis, mieux c’est. Ensuite, elles doivent examiner les solutions offertes sur le marché et déterminer celle qui est la mieux adaptée à leurs besoins. Mieux vaut embaucher quelqu’un qui connaît déjà le domaine. Troisièmement, il conviendra d’investir dans l’assurtech. Investir des fonds, bien entendu, mais investir aussi du temps et des ressources humaines. Puis, élaborer un plan et adopter l’assurtech par étapes.
Comment garder cette industrie à l’œil?
Soyez attentifs : vous en savez probablement plus au sujet de l’assurtech que vous le pensez. Il importe d’être curieux, de comprendre le problème que chaque solution assurtech tente de résoudre. Tant que l’assurtech répond aux besoins de ses clients, et ce, de façon rentable en dépassant les attentes, l’entreprise sera florissante et tout l’écosystème des assurances en sortira gagnant.
Jing Lang, FICA, est gestionnaire de produits chez iptiQ, une entreprise du secteur assurtech. Vous pouvez la joindre à jing_lang@iptiQ.com.
[1] Business Wire, 5 décembre 2018. Global $1.11 Billion InsurTech Market Forecast to 2023 – ResarchAndMarkets.com. https://www.businesswire.com/news/home/20181205005824/en/Global-1.11-Billion-InsurTech-Market-Forecast-2023
Cet article reflète l’opinion de l’auteur et il ne représente pas une position officielle de l’ICA.