Claude Castonguay, actuaire et visionnaire, est décédé le 12 décembre à l’âge de 91 ans. Dans la foulée de la Révolution tranquille, M. Castonguay a mis son expertise actuarielle au service de l’intérêt public. Son histoire est intimement liée à celle de la sécurité sociale au Québec. Il a aussi contribué de façon significative à l’évolution de l’industrie des services financiers au Canada. Nous souhaitons ici reconnaître sa remarquable contribution à la société et au rayonnement de la profession.
M. Castonguay étudie à l’Université Laval de 1948 à 1950 et se rend ensuite à l’Université du Manitoba pour étudier les sciences actuarielles. À son retour, il entame sa carrière à l’Industrielle Compagnie d’assurance sur la vie et poursuit sa formation actuarielle par lui-même. En 1958, il est l’un des deux premiers francophones à obtenir le titre de Fellow de la Society of Actuaries.
Dès le début de sa carrière, M. Castonguay met ses connaissances au service de la société, notamment à titre de chargé de cours à l’Université Laval. Il participe ainsi, avec un petit groupe de praticiens, au démarrage de la formation actuarielle dans la province.
Dans les années 1960, il crée un cabinet d’experts-conseils en actuariat et travaille sur le rapport qui mènera à la création du Régime des rentes du Québec et, par ricochet, à la Caisse de dépôt. « Ça été le début d’une chaîne d’événements qui ont mis en lumière la profession actuarielle. Nous avons eu l’occasion de jouer un rôle important dans la planification de la sécurité sociale », explique Yves Guérard, FICA. Jeune actuaire et nouvel associé de M. Castonguay à cette époque, M. Guérard se souvient d’avoir travaillé pendant des semaines aux calculs actuariels nécessaires pour le régime. « Je serai toujours reconnaissant envers Claude de m’avoir ouvert la porte sur une carrière actuarielle qui a dépassé mes attentes. »
M. Castonguay sera ensuite invité à présider la Commission d’enquête sur la santé et le bien-être social. Le rapport de la Commission Castonguay-Nepveu recommande notamment la création d’un régime d’assurance maladie universel. Les recommandations ne sont pas mises en applications immédiatement. Toutefois, en 1970, M. Castonguay fait le saut en politique avec l’équipe de Robert Bourassa. Il est élu, puis nommé ministre des Affaires sociales. Il joue alors un rôle de premier plan dans l’adoption de la Loi sur l’assurance maladie et l’instauration du régime d’assurance maladie dans la province. « M. Castonguay était un homme rigoureux et intègre » explique Claude Garcia, FICA et sous-ministre adjoint au ministère des Affaires sociales durant ces années. « Il n’avait pas peur de s’entourer de gens compétents : on se sentait libre d’avoir une opinion différente de la sienne. Claude tolérait qu’on ne soit pas en accord avec lui et il ne nous en tenait jamais rigueur. »
M. Castonguay quitte la politique peu avant 1974, mais demeure actif publiquement tout au long de sa vie. Il entre à la mutuelle d’assurances La Laurentienne en 1976 et devient président de cette institution dans les années 1980. Il travaille au dossier du décloisonnement des institutions financières et parvient à faire évoluer la législation à cet égard. Parallèlement, il continue de s’intéresser aux domaines de la santé et de la retraite et d’agir à titre de conseiller auprès des décideurs politiques. Au milieu des années 1990, on lui confie la présidence du comité d’experts chargé d’examiner l’assurance médicaments au Québec.
Claude Castonguay a été une figure notoire du Québec et du Canada modernes. Si son bref passage en politique active a eu une portée historique, c’est davantage sa volonté et sa capacité de mettre son savoir au service de la société qui auront fait de lui un personnage marquant. Il a largement contribué à la reconnaissance de la profession au Québec et inspiré bon nombre de ces contemporains.
Des membres de l’Institut nous ont partagé leurs souvenirs de M. Castonguay. Un grand merci à Denis Latulippe, FICA et professeur titulaire à Laval, pour sa généreuse contribution à ce billet. Nous vous invitons à nous raconter de quelle façon M. Castonguay vous a influencé dans la boîte de commentaire ci-dessous.
« J’ai eu l’occasion de débattre avec M. Castonguay sur la question de l’amélioration du RRQ. Nos opinions étaient divergentes sur certains aspects, mais j’ai remarqué à quel point il aimait analyser et débattre en respectant les différents points de vue. Le Québec et la profession actuarielle lui doivent beaucoup. Si les actuaires sont aussi bien reconnus par nos décideurs politiques, c’est en partie grâce à lui. » – Michel St-Germain, FICA et président de l’ICA
« Je n’ai pas eu l’occasion de côtoyer M. Castonguay professionnellement, mais j’ai une petite anecdote personnelle. Dans les années 1980, je prenais le transport en commun pour me rendre au travail. Un matin où il faisait particulièrement froid et venteux, alors que je me dirigeais vers l’abribus, un automobiliste s’est arrêté et m’a offert de m’emmener en ville. Ce n’était nul autre que Claude Castonguay. J’en ai profité pour lui dire qu’il avait contribué à mon choix de carrière! » – Marc Tardif, FICA et président sortant de l’ICA
« J’ai eu l’occasion de rencontrer M. Castonguay à quelques reprises, y compris lors d’un déjeuner durant les années 1980 alors qu’il était président de La Laurentienne. Sa présence, son calme et sa voix grave étaient impressionnants. On avait déjà l’impression de rencontrer une icône. » – Bernard Morency, FICA et président de la Commission des affaires publiques de l’ICA