Au début des années 2020, des véhicules entièrement automatisés circuleront sur les routes du Canada.
Ryan Stein
En juillet 2018, l’ICA a publié un article de Ryan Stein, qui travaillait alors pour le Bureau d’assurance du Canada. L’article, qui avait suscité beaucoup d’intérêt, portait sur la transformation profonde à prévoir au niveau des habitudes des consommateurs et des lois relatives aux assurances compte tenu de l’avènement du véhicule autonome.
Deux ans plus tard, nous avons décidé de poursuivre la discussion avec Gabriel Laflamme, directeur chez Assurance Economical, dans le cadre de notre série Voir au-delà du risque (épisode 49). En anglais, nous avons aussi discuté avec Alex Liu, AICA, et analyste principal en actuariat chez Economical Assurance (épisode 48).
Pareillement à l’article de M. Stein, les entrevues accordées par MM. Laflamme et Liu examinent les efforts déployés à l’heure actuelle par l’industrie pour s’adapter à des technologies à la fine pointe qui évoluent rapidement.
Cinq niveaux d’autonomie
Le concept de « véhicule autonome » est large : « l’industrie reconnaît cinq niveaux d’autonomie dans les véhicules autonomes », explique M. Laflamme. Depuis le niveau zéro, où la voiture est entièrement mécanique et le conducteur doit effectuer toutes les manœuvres, au niveau cinq d’autonomie où « la voiture, se conduit totalement seule, comme celle que l’on retrouve dans les films ».
Sur nos routes aujourd’hui, on retrouve des véhicules dont le niveau d’automatisation se situe entre un et trois. Par exemple, le véhicule de niveau deux offre de l’assistance au conducteur, comme le régulateur de vitesse et le système de guidage sur la voie. Certaines voitures de luxe peuvent corriger leur trajectoire ou elles peuvent effectuer certaines manœuvres précises comme le stationnement autonome.
Bien que le niveau d’automatisation dans les véhicules de niveaux quatre et cinq représente un grand bon vers l’avant sur le plan technologique, on peut s’attendre à en croiser plus fréquemment sur nos routes d’ici cinq à 10 ans selon les spécialistes interrogés. On peut dès maintenant se demander de quelle façon ces innovations perturberont le marché de l’assurance automobile.
Fréquence, gravité et augmentation des cyberrisques
« On doit considérer deux aspects, soit la fréquence et la gravité », explique M. Laflamme. « Toutes les études le démontrent : la quantité d’accidents va réellement diminuer. » Comme Ryan Stein, MM. Laflamme et Liu nous mettent en garde : le nombre d’accidents attribuables à l’erreur humaine va diminuer, mais la gravité, c’est-à-dire le coût moyen des réclamations, va augmenter compte tenu de la technologie et du salaire des techniciens.
Le transfert de la responsabilité de l’individu vers le constructeur soulève également des préoccupations. L’augmentation du niveau d’automatisation menace de faire disparaître l’assurance automobile pour véhicule personnel. Or, les spécialistes sont d’avis que les constructeurs auront davantage de responsabilités et que de nouveaux débouchés se présenteront ainsi aux assureurs qui possèdent l’expertise en matière de réclamation. Ils croient, par ailleurs, qu’il restera toujours des réclamations attribuables au vandalisme, à la grêle ou aux collisions avec animaux.
Les assureurs peuvent aussi s’attendre à une augmentation de la demande du côté de l’assurance cyberrisque. « On va passer du risque de collision à un risque de dysfonctionnement du produit », explique M. Laflamme. Puisque les véhicules autonomes sont vulnérables au piratage, les concepteurs de logiciel et les propriétaires de flotte de véhicules autonomes, pour ne donner en exemple que ceux-ci, seront davantage exposés aux cyberrisques.
Les données sont cruciales
Comme la voiture va prendre de plus en plus de décisions, les assureurs vont délaisser leur modèle centré sur l’individu et adopter un modèle centré sur le véhicule. Les variables de tarification, comme le sexe ou l’âge d’un individu, vont progressivement disparaître. Ce sont la marque et le modèle du véhicule qui auront davantage de pouvoir prédictif. La télématique, utilisée aujourd’hui pour connaître les habitudes des conducteurs et établir une tarification plus juste, est « une technologie de transition qui est précurseur à l’arrivée des véhicules autonomes », explique M. Laflamme. Les assureurs ayant développé des outils de télématique seront donc mieux préparés à analyser la masse de données importante et complexe attribuable à l’arrivée du véhicule autonome.
Selon M. Laflamme, la technologie arrive de façon progressive et l’adaptation va se faire de la même façon. « On ne verra pas demain la veille une masse de véhicules sans conducteur se promener, mais on en verra dans de petites zones et par l’entremise de petits changements apportés à nos véhicules. L’adaptation va se faire de façon très progressive. »