Par Chris Fievoli, FICA
Je regarde les nouveaux parcours d’éducation mis en place par l’ICA et je constate toute l’évolution qui a eu lieu à ce chapitre depuis le temps où j’ai passé mes examens. Il y a maintenant des modules en ligne, des événements en personne, la reconnaissance des études universitaires et des possibilités de passer les examens à distance. Cela est très loin des façons de faire de mon temps, à savoir étudier pour l’examen, passer l’examen, attendre les résultats, espérer d’obtenir au moins un six sur une échelle de 10 points, puis répéter l’exercice pour un nouvel examen en cas de réussite et le même en cas d’échec. Encore et encore, jusqu’à ce que vous ayez terminé.
Je suis certain que la plupart des actuaires qui sont passés par ce processus ont connu un examen en particulier qui a été leur bête noire (et si vous êtes maintenant étudiant ou étudiante, ça viendra bien!). Vous savez, cet examen que vous avez dû passer à plusieurs reprises ou celui que vous étiez certain(e) d’avoir réussi haut la main et pour lequel vous avez obtenu un maigre quatre. Dans mon cas, cette bête noire a su me hanter de multiples façons, mais cette histoire n’est pas seulement une histoire de justification. C’est même mieux que cela – c’est une histoire de revanche.
J’ai commencé à passer des examens actuariels juste au moment où la Society of Actuaries instaurait le système d’éducation flexible (Flexible Education System (FES)). En bref, le FES faisait en sorte de remplacer un petit nombre de gros examens par un grand nombre de petits examens d’une durée d’une à quatre heures. Une fois le statut d’associé obtenu, il fallait cumuler 25 heures d’examens pour accéder à celui de fellow. Certains de ces examens étaient obligatoires pour la spécialisation choisie, tandis que les autres étaient facultatifs.
Ce système présentait quelques avantages, dans la mesure où l’on avait la possibilité de choisir ses examens et le rythme auquel on les passait. Toutefois, en particulier dans le cas des petits examens, il fallait connaître la matière beaucoup plus en profondeur que lorsqu’elle se trouvait noyée dans un examen de plus grande envergure, lequel permettait de s’en tirer grâce à une solide réussite dans une autre section. Il n’y avait nulle part où se cacher.
Lorsque j’ai commencé à passer des examens de niveau fellow, on ne cessait de me rappeler qu’ils étaient « différents ». Oui, je savais qu’il s’agissait de questions à développement et non pas à choix multiples, mais je m’étais rendu jusque-là alors les examens ne pouvaient pas être si différents, n’est-ce pas? (J’ai appris depuis qu’il existe un terme pour cela : la prétention). Donc, pour ma première session, j’ai décidé de m’inscrire à des examens totalisant cinq heures. L’un d’eux était l’examen 220, un examen obligatoire d’une durée de trois heures portant sur des sujets liés à la gestion actif-passif. J’avais aussi choisi le I342C, un examen d’une heure qui traitait du droit et de la fiscalité, et pour mon dernier choix facultatif, j’ai opté pour le I542, aussi d’une durée d’une heure, qui traitait de la tarification des assurances et qui me semblait intéressant.
« J’ai vite appris que “sembler intéressant” était un très mauvais critère pour le choix d’un examen. »
Lorsque j’ai reçu la matière, je me suis tout de suite rendu compte qu’il ne s’agissait pas de parcourir tranquillement le processus de tarification, mais plutôt d’étudier en profondeur toutes les horribles conditions médicales connues de la science. Il y avait toute une panoplie de maladies, dont je n’avais jamais entendu parler pour la plupart et, dans plusieurs cas, dont j’étais incapable de prononcer le nom. L’exercice aurait peut-être pu être agréable pour une personne diplômée en médecine, mais pour un actuaire en herbe, il fallait des efforts titanesques pour parcourir cette matière, sans parler de la comprendre.
Je conserve des souvenirs quelque peu vagues de la préparation de ces examens, et ce, pour des raisons que je n’ai comprises que bien plus tard. Quoi qu’il en soit, j’ai réussi à passer à travers la matière, à passer les examens et à ne plus y penser pendant les deux mois d’attente pour obtenir mes résultats. Même si je ne m’attendais pas à obtenir des notes exceptionnelles, je croyais avoir assez bien fait pour passer à l’étape suivante.
J’ai perdu mes illusions lorsque j’ai reçu mes résultats. Pour les examens 220 et I342C, j’ai obtenu un cinq, soit la pire note possible à mes yeux, car elle signifiait que si j’avais étudié une semaine (ou un jour?) de plus, j’aurais pu réussir.
Mais pour le I542, mes résultats ont été encore pires. J’ai obtenu un trois, note qui signifiait essentiellement que j’avais réussi à fournir quelques idées qui avaient un certain sens, mais que j’étais bien loin de satisfaire aux attentes. Cette note de trois est la plus basse que j’aie jamais reçue à un examen d’actuariat. Je comprends maintenant pourquoi j’ai des souvenirs flous du processus d’étude qui a précédé ces examens : je n’en ai manifestement pas fait assez.
À l’époque, la sagesse populaire voulait que l’on n’abandonne pas un examen raté vu tout le temps déjà investi dans l’étude. Il était donc plus efficace de s’appuyer sur cet acquis et de réessayer. Il s’avère qu’il existe également une expression pour cela : le sophisme des coûts irrécupérables. Je n’avais aucune intention de revoir cette matière sur la tarification. Je n’éprouvais aucun regret à tout balancer dans le puits de l’oubli, à choisir un autre examen facultatif et à recommencer à zéro.
Toutefois, si j’en avais fini avec l’examen I542, lui ne semblait pas en avoir fini avec moi. Peu après, mon employeur a engagé des étudiants et étudiantes de première année inscrits au programme d’enseignement coopératif. L’un des cours qu’ils pouvaient suivre pendant leurs études portait sur mon nouveau sujet « chouchou », la tarification de l’assurance. Quelques-uns d’entre eux ont suivi ce cours, puis ont décidé qu’ils seraient en mesure de passer l’examen d’actuariat correspondant, étant donné qu’ils n’avaient pas encore appris la théorie relative aux intérêts, aux risques viagers ni aucune autre matière traditionnelle par laquelle on entreprend habituellement le processus d’examen. Et comme la matière était encore fraîche dans leur esprit, ils ont réussi. C’était ajouter l’insulte à l’injure. Je n’étais pas très heureux de m’être fait coiffer par des étudiants et étudiantes qui sortaient à peine du secondaire. L’examen I542 avait trouvé une autre façon de m’humilier.
J’ai fini par satisfaire à toutes les exigences en matière d’examens, puis j’ai tout de suite intégré une commission d’examen. (Ma décision n’a été, bien sûr, aucunement influencée par le fait que les réunions de notation se tenaient sous le soleil de la Floride en décembre). J’ai vite découvert que j’aimais vraiment être impliqué dans le système d’examens et, après quelques années où je n’ai pas su dire « non » assez souvent, on m’a demandé de devenir agent principal pour les examens de finance et d’investissement.
La première réunion des agents principaux à laquelle j’ai assisté s’est déroulée à St Petersburg (en Floride, encore une fois, étonnamment) et, à ma grande surprise, l’examen I542 a de nouveau montré le bout de son nez véreux. Cette fois, cependant, les circonstances étaient différentes. Lors de la réunion, il y avait une motion à l’ordre du jour visant à le retirer de certains examens facultatifs.
Vous pouvez imaginer quel a été mon vote. J’avais envie de lever les deux mains. Quoi qu’il en soit, l’examen I542 était désormais mort, et j’étais au nombre des personnes responsables de sa disparition. J’ai ressenti un grand bien.
« Et donc, qu’ai-je appris de toute cette expérience? Étrangement, elle a une fois de plus mis en évidence la valeur que revêt le travail bénévole pour la profession. S’il y a quelque chose que vous aimeriez voir changer, ne faites pas que vous plaindre. Impliquez-vous, proposez vos idées et peut-être pourrez-vous faire changer les choses. »
Est-ce que je conseillerais le travail bénévole pour vous venger d’un examen qui vous a particulièrement vexé? Non, mais je dois admettre que c’est agréable lorsque l’occasion se présente.
Cet article présente l’opinion de son auteur et ne constitue pas un énoncé officiel de l’ICA.