L’intérêt actuariel pour la COVID-19 est abordé sous plusieurs angles, le plus évident étant l’impact sur la longévité et les coûts liés aux soins de santé, ainsi que la façon dont la pandémie peut influer sur les régimes d’assurance et d’avantages sociaux. Les perturbations économiques qui ont accompagné la pandémie ont aussi incité les actuaires à examiner l’avenir du rendement des placements à long terme et les répercussions sur la tarification et le financement.
Pourtant, même avec tous ces éléments à prendre en compte, d’autres domaines pourraient bénéficier de l’application de l’expertise des actuaires, comme le recours à des techniques de gestion des risques en réponse à une pandémie.
Un document de recherche récemment publié par l’ICA porte sur ce sujet précis.
Les trois piliers de la préparation à la pandémie
La gestion du risque de pandémie : Planification de mesures d’urgence et affectation de ressources, rédigé par Xiaowei Chen, Wing Fung Chong, Runhuan Feng et Linfeng Zhang de l’Université de l’Illinois, présente un cadre de gestion du risque pour aider les gouvernements et les agences de la santé publique à se préparer aux pandémies futures.
La nécessité de cette préparation est devenue évidente dès les premiers jours de la COVID‑19, particulièrement aux États‑Unis. Malgré le vaste réseau de professionnels de la santé, d’installations bien équipées et d’hôpitaux, il restait une pénurie criante de fournitures médicales diagnostiques et préventives. Cette pénurie a nui à la capacité du réseau médical de réagir à la crise en pleine croissance. Les réserves n’étant pas reconstituées, les fabricants sont passés de force à une production « juste à temps » et le manque de coordination entre le gouvernement fédéral et ceux des États dans le déploiement des ressources ont contribué à aggraver une situation déjà mauvaise.
Les auteurs examinent l’expérience vécue dans l’État de New York, en Floride et en Californie – trois États qui ont tous enregistré des pics à différents moments pendant la pandémie – et se demandent comment un cadre de gestion du risque aurait pu mener à des stratégies de stockage et de répartition plus efficaces.
Leur élément central est une stratégie à trois piliers :
- Premier pilier : préparation en vue d’une pandémie, où l’offre et la demande de ressources médicales sont prévues à l’avance.
- Deuxième pilier : élaboration d’une stratégie de stockage et de distribution.
- Troisième pilier : présentation des exigences relatives à une autorité centrale qui superviserait la répartition des ressources selon les besoins.
Un aspect particulièrement intéressant de cette recherche est le parallèle entre la gestion du risque de pandémie et la gestion du risque de capital. La détermination des risques dans une organisation comme une société d’assurance correspond à l’étape de préparation, au premier pilier. Le développement du capital fondé sur les risques est semblable à la stratégie de stockage, au deuxième pilier, et l’affectation du capital correspond étroitement au troisième pilier.
Bâtir un cadre robuste
Certains exercices moins rigoureux de gestion des risques peuvent finir par être réduits à l’élaboration d’une liste de risques et d’expositions sans proposition de modèles pouvant servir à établir un cadre. Toutefois, les auteurs font le contraire en présentant un modèle qui aide à déterminer, entre autres, la taille optimale d’une réserve.
Pour prévoir les besoins en fournitures et en équipements médicaux, les auteurs utilisent un modèle de prévision qui divise la population en sept catégories – vulnérable, exposée, légèrement infectée, infectée et hospitalisée, infectée aux soins intensifs, rétablie et décédée – d’où l’acronyme SEIRD. Ils envisagent également deux types de ressources médicales – durables et à usage unique – qui présentent des modèles de prévision pour chacun. Par exemple, un ventilateur serait considéré comme une ressource durable, tandis que les masques médicaux seraient classés parmi les ressources à usage unique.
L’attrait de cette recherche pour les actuaires est évident, surtout pour ceux qui veulent faire progresser l’application des techniques actuarielles dans le monde de la gestion du risque d’entreprise ou même au‑delà.