Par Blake Hill, FICA, membre du Groupe de travail à thème unique de l’ICA sur la classification des risques
L’expression à la mode dans le secteur des assurances est l’« assurance intégrée », ou la possibilité d’offrir une protection en temps réel et sans discontinuité grâce à une approche proactive en matière de gestion des risques. L’assurance intégrée repose sur la capacité de personnaliser l’assurance. Dans cette optique, les clients doivent comprendre la nécessité de communiquer à leurs assureurs davantage de données.
Au cours des sept dernières années, j’ai été amené à collaborer à des initiatives visant à mobiliser les clients et à proposer aux clients d’assureurs des programmes de santé et de bien-être. J’ai pris part à ces activités à la fois dans le cadre de mes fonctions auprès d’un fournisseur d’assurance et, maintenant, au sein de Dacadoo, entreprise d’insurtech et fournisseur de premier plan dans ce domaine. Cette expérience m’a donné l’occasion d’observer une variété d’attitudes chez les actuaires, souscripteurs, spécialistes du marketing et responsables de la réglementation des assurances à l’égard des programmes qui recueillent des données en temps réel (sur le mode de vie, la tension artérielle, etc.).
Ces programmes ont pour but d’améliorer la vie des clients en leur offrant des services et du soutien toujours adaptés. Cette capacité d’offrir au client une rétroaction pertinente s’appuie sur la collecte de données à son sujet et sur la personnalisation de l’expérience client. Grâce à ce type d’assurance fondé sur des données en continu, les services peuvent effectivement être personnalisés. Ce type d’assurance fait aussi naître de nouvelles possibilités pour les sociétés d’assurance.
Cependant, c’est là que se heurtent les points de vue divergents quant à l’utilisation que l’on peut faire des données. Il y a ceux et celles qui s’inquiètent de ce qui se passera si ces dernières sont utilisées de manière irresponsable, et les autres, qui sont optimistes et qui misent sur les nombreux avantages qu’elles présentent. Ces deux points de vue sont cruciaux et contribueront à l’élaboration d’une solution qui sera avantageuse pour toutes les parties. C’est d’ailleurs la possibilité de susciter un débat ouvert et approfondi sur ce sujet qui m’a motivé à faire partie du groupe de travail de l’ICA sur la classification des risques, qui a récemment publié son énoncé intitulé Les mégadonnées et la classification des risques : Comprendre les enjeux actuariels et sociaux.
Il existe des exemples pratiques que l’on peut aisément envisager, par exemple dans le domaine de l’assurance automobile, dans lequel les trajets des livreurs sont mis à jour en temps réel pour éviter les zones de congestion de la circulation et les risques accrus d’accident (p. ex. les virages à gauche dans les grands carrefours). De la même façon, dans le domaine de l’assurance habitation, la capacité de recueillir des données relatives à l’utilisation de l’eau peut contribuer à gérer les risques d’inondation. Malgré les meilleures intentions du monde, le point de vue des consommateurs à l’égard de ces types d’assurances peut aller de la reconnaissance pour le soutien apporté jusqu’à la crainte, voire la répugnance, de faire l’objet d’un suivi.
Les forces opposées du partage des risques et du risque moral ont toujours été présentes dans le domaine des assurances, ce qui a donné lieu, notamment, à l’augmentation du nombre de classes de risques. Mais grâce aux récentes avancées technologiques, la capacité accrue de recueillir des données a pour effet d’augmenter la concurrence entre la mutualisation des risques et la création de nouvelles classes de risques (ou la personnalisation des risques).
Il convient aussi de mentionner que la personnalisation des risques est susceptible de rendre les groupements de risques si ténus qu’ils ne contiennent que quelques individus, annulant ainsi la possibilité du partage des risques dans un groupement d’assurance.
La recherche d’un équilibre sera un exercice permanent, compte tenu des points de vue des divers consommateurs et assureurs ainsi que de la concurrence sur le marché et de la surveillance exercée par les instances dirigeantes, ce qui contribuera à cette évolution. Pour l’instant, je recommande vivement l’énoncé de l’ICA portant sur les mégadonnées et la classification des risques à titre de point de départ à ce débat.
La capacité de découvrir et d’apprendre, alimentée par les données, est essentielle à notre évolution.
Le présent article reflète l’opinion de l’auteur et il ne représente pas une déclaration officielle de l’ICA.