FICA en semi-retraite, Stuart Wason arrive bientôt à la fin de son mandat à la présidence du Comité sur la réglementation des assurances (CRA) de l’Association actuarielle internationale (AAI). Nous nous sommes entretenus avec lui pour discuter de l’importance de sa fonction, des principaux apports et défis du CRA et de son incidence sur les actuaires canadiens.
Comment en êtes-vous venu à vous impliquer auprès de l’AAI et, plus particulièrement, du CRA?
Mon engagement auprès de l’AAI remonte à 1999, alors que j’occupais le poste de président désigné de l’ICA. En 2004, j’ai participé à la direction d’une équipe de l’AAI chargée de concevoir, à l’intention de l’Association internationale des contrôleurs d’assurance (AICA), une publication intitulée « A Global Framework for Insurer Solvency Assessment » (Cadre mondial aux fins de l’évaluation de la solvabilité des assureurs).
Ce rapport se penchait sur les éléments nécessaires à l’établissement d’une norme internationale sur le capital pour les assureurs. Il proposait également aux contrôleurs une démarche s’appuyant sur les « pratiques exemplaires ». En 2007, ma carrière m’a détourné de l’AAI pendant plusieurs années lorsque j’ai accédé à un poste de cadre supérieur au sein du Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF), lequel m’a permis de m’impliquer de façon plus soutenue au sein de divers comités de l’AICA.
Lorsque j’ai pris ma retraite du BSIF en 2016, on m’a invité à réintégrer l’AAI et le CRA au sein d’une équipe formée de membres de l’ICA chargée d’orienter la réponse de la profession actuarielle internationale à l’égard des questions réglementaires. L’univers des rapports financiers des sociétés d’assurance est devenu plus intégré sur le plan international et, dans ce contexte, mon rôle a été de faciliter l’orientation et le développement de la relation entre la profession et les organismes de réglementation à l’échelle internationale dans un contexte en évolution rapide.
J’ai toujours aimé rencontrer des actuaires des quatre coins du monde et apprendre de leurs points de vue sur les plans actuariel et réglementaire. J’ai souvent eu le sentiment que si j’étais mal pris dans un pays étranger, il y aurait toujours un actuaire sur qui je pourrais compter.
Pour notre lectorat qui n’est pas entièrement au fait des travaux de l’AAI ou de votre comité, pourriez-vous en expliquer le rôle et l’importance?
L’ICA est l’association professionnelle des actuaires canadiens, tandis que l’AAI est l’association mondiale des associations actuarielles, dont l’ICA.
Le Comité sur la réglementation des assurances, formé de membres actuariels des quatre coins du monde, est parmi les comités très actifs de l’AAI. Il a pour but de promouvoir le rôle des actuaires à l’égard de la réglementation et du contrôle, de soutenir l’élaboration de principes actuariels et de cadres de réglementation et de contrôle internationaux visant les assureurs, ainsi que d’offrir un forum permettant de discuter des enjeux et des approches liés au contrôle et à la réglementation.
Le CRA joue un rôle prépondérant dans l’établissement de liens plus étroits entre l’AAI et l’AICA, dont sont membres le BSIF (l’organisme canadien de surveillance des banques, des assureurs et des régimes de retraite assujettis à la réglementation fédérale) et l’Autorité des marchés financiers (AMF).
Il est devenu de plus en plus crucial pour la profession actuarielle de se faire entendre sur la scène mondiale, en particulier au moment de présenter le point de vue actuariel sur diverses questions, notamment les normes relatives au capital visant les assureurs, la gestion des risques, les risques associés au climat, ainsi que les risques liés aux pandémies.
Quelles sont quelques-unes des plus grandes réalisations du CRA?
L’une des principales réalisations du CRA ces dernières années a été le renforcement des liens entre l’AAI et l’AICA, lesquels constituent l’une des relations supranationales les plus importantes de l’AAI. Voici quelques exemples des progrès réalisés à cet égard :
- L’AAI participe régulièrement à divers forums de l’AICA. Les deux organismes tiennent chaque année plusieurs rencontres, ce qui favorise la collaboration dans le cadre de projets clés, par exemple en ce qui concerne les normes sur le capital des sociétés d’assurance, les risques climatiques, le dispositif ORSA et la pandémie.
- La collaboration a donné lieu à la signature d’une convention de partenariat entre l’AAI et le Sustainable Insurance Forum (SIF), un groupe de contrôleurs d’assurance axé sur les risques associés au climat. Micheline Dionne, FICA, de l’ICA a assumé la fonction de gestionnaire des relations pour le SIF.
- Le développement des capacités de supervision organisé avec le soutien de l’AICA et sous la direction de l’Initiative Accès à l’assurance prévoit désormais des formateurs actuariels de l’AAI, et ce, sur une base régulière.
- Création d’une bibliothèque virtuelle des publications de l’AAI présentant les travaux réalisés par des actuaires sur divers sujets se rapportant aux risques. Cette bibliothèque sur les risques, à laquelle ont accès des actuaires et des contrôleurs d’assurance, compte plus de 20 thèmes rédigés par des experts en actuariat de partout dans le monde.
- Les réunions du CRA offrent aux associations membres de l’AAI une occasion de communiquer les progrès réalisés dans leur pays en matière de contrôle, et de soutenir l’élaboration de principes et de cadres actuariels internationaux visant la réglementation et le contrôle des sociétés d’assurance.
Que devraient savoir les actuaires canadiens au sujet du travail du CRA?
D’abord et avant tout, étant donné que le travail du CRA concerne le contrôle et la réglementation des assurances, les actuaires canadiens peuvent être fiers de leur cadre de supervision des assurances (tel qu’établi par le BSIF et l’AMF, par exemple) et de la nature progressiste de la relation qui existe au Canada entre les contrôleurs, le secteur et la profession actuarielle.
Les réalisations collectives que nous avons accomplies au fil des ans en ce qui concerne l’élaboration du cadre d’évaluation de la santé financière (p. ex., l’examen dynamique sur la suffisance du capital), les rapports financiers (p. ex., les principes comptables généralement reconnus canadiens), les normes sur le capital modernes (p. ex., le Test de suffisance du capital des sociétés d’assurance-vie et le Test du capital minimal) et le contrôle efficace fondé sur le risque sont bien reconnues. Toutefois, bien des défis nous attendent et les actuaires canadiens doivent participer activement aux travaux et aux occasions qui se présentent et y jouer un rôle de chefs de file.
Les actuaires canadiens du domaine des assurances doivent relever le défi que présente la préparation en vue de la mise en œuvre de la norme IFRS 17, tandis que le défi des grands assureurs réside dans l’adoption des nouvelles normes mondiales de capital de l’AICA. Au-delà de ces questions importantes, on verra déferler les effets liés à la pandémie et aux risques climatiques. Chacun de ces thèmes offre à la profession actuarielle de nombreuses possibilités d’offrir à la société une valeur ajoutée en assurant la gestion de ces risques.
L’ICA et ses actuaires joueront, sans aucun doute, des rôles importants. Mais vu la nature mondiale de ces risques, l’AAI jouera aussi un rôle vital en soutenant ses associations membres et en se faisant le porte-parole de la profession actuarielle sur la scène mondiale.
Avez-vous un message à transmettre à notre lectorat en terminant?
J’invite votre lectorat à envisager de faire du bénévolat au sein de l’un ou l’autre des comités et commissions de l’ICA et de l’AAI axés sur les grands enjeux actuels (p. ex., les risques liés au climat, la viabilité, la cybercriminalité). Il semble de plus en plus évident qu’une intervention internationale concertée s’impose. La profession actuarielle (à l’échelle locale et internationale) doit impérativement et rapidement exploiter ses forces intrinsèques et jouer des rôles de premier plan pour contribuer à la résolution de ces problèmes.