par Erin Crump, FICA, membre du Groupe de travail à thème unique de l’ICA sur l’assurance médicaments
Le principe selon lequel tous les Canadiens devraient avoir accès à des soins de santé abordable constitue une valeur canadienne profondément enracinée. C’est pourquoi, depuis plus de 50 ans, les études commandées par le gouvernement fédéral disent toujours la même chose : les médicaments d’ordonnance devraient faire partie de l’assurance maladie. Et si vous posiez la question aujourd’hui aux Canadiens, la majorité serait d’accord avec le principe selon lequel nous devrions tous avoir accès aux médicaments dont nous avons besoin.
Mais la conception et le financement d’un régime d’assurance médicaments universel pour l’ensemble des Canadiens constituent une chose complexe. C’est ce qui explique pourquoi, depuis plus de 50 ans, on a réalisé bien peu de progrès à cet égard. On a plutôt assisté en ce sens à des démarches provinciales adaptées aux différentes populations et réalités, et à l’essor des régimes privés, lesquels sont devenus un élément décisif pour attirer et garder les employés et favoriser la santé au sein d’une entreprise.
La conception d’un régime d’assurance médicaments est un domaine intrinsèquement actuariel et je suis ravie de dire que les actuaires ajoutent leur voix à la discussion. Après tout, l’assurance médicaments est une affaire de partage des risques. À l’heure actuelle, la plupart des médicaments prescrits sont relativement peu coûteux et prévisibles. Cependant, une faible, mais croissante, proportion d’entre eux sont très dispendieux et hors de prix pour les particuliers. Notre objectif consiste à trouver un moyen d’assurer un partage des coûts entre les parties de manière durable afin d’atteindre un ensemble d’objectifs déterminé, soit les meilleurs résultats possible pour la santé pour tous au plus faible coût possible pour tous.
Établir un cadre aux fins de l’assurance médicaments
L’ICA a proposé un cadre aux fins de l’assurance médicaments qui tient compte de la complexité du système actuel et qui fait un pas de plus. Il ne réinvente pas la roue, mais s’appuie sur les éléments qui fonctionnent déjà bien. Ce cadre comprend :
- La négociation collective et transparente du prix des médicaments au nom de tous les assureurs publics et privés afin d’optimiser le travail qu’effectuent déjà les provinces et les grands assureurs privés et d’éliminer les inégalités;
- L’établissement d’une liste nationale afin de garantir à tous les Canadiens un accès juste et équitable aux médicaments dont ils ont besoin;
- L’examen des possibilités d’amélioration en ce qui concerne les habitudes de prescription et des solutions de rechange au recours aux produits pharmaceutiques;
- La possibilité pour les provinces et les territoires de concevoir leurs propres régimes en prenant appui sur les systèmes déjà en place et de travailler en collaboration avec les régimes privés selon la conception et le budget;
- L’étalement des risques liés aux médicaments à coût élevé afin d’assurer la viabilité des régimes provinciaux ou territoriaux et des régimes privés. Cela comprend la notion selon laquelle le gouvernement fédéral agit à titre de réassureur dans le cas des médicaments à coût élevé.
Nous sommes d’avis qu’un cadre qui respecte les principes susmentionnés présenterait les avantages suivants :
- Il serait bien plus rapide à instaurer qu’un régime universel à payeur unique;
- Il serait moins coûteux qu’un régime qui couvre en entier le prix les médicaments (pour mettre en place un tel régime, le gouvernement fédéral devrait trouver de nouvelles sources de financement, et les contribuables et employeurs risqueraient d’écoper);
- Il assurerait la viabilité des régimes privés, leur permettant de prospérer et de continuer à innover sans devoir se soucier du caractère imprévisible des médicaments à coût élevé.
Tenir compte des avis actuariels
L’ICA cherche à informer et à influencer les décideurs en leur présentant un point de vue actuariel sur les importants enjeux socioéconomiques. La question de l’assurance médicaments fait l’objet de discussions dans l’espace public depuis plusieurs années. En décembre 2019, le Conseil d’administration de l’ICA a formé un groupe de bénévoles, qu’il a chargé de se pencher sur le sujet et de déterminer quelle perspective les actuaires pourraient présenter.
Pour arriver jusqu’ici et jusqu’à la publication de notre énoncé définitif, le groupe a suivi un processus rigoureux.
Notre groupe de travail a d’abord consulté tous les membres de l’ICA afin de déterminer l’orientation et l’étendue de l’énoncé. Nous avons ensuite pris connaissance de quantités de rapports de recherche et d’autres renseignements, notamment le rapport définitif du Conseil consultatif sur la mise en œuvre d’un régime national d’assurance médicaments, les particularités des régimes d’assurance médicaments provinciaux et l’expérience d’autres pays, ainsi que des études relatives aux coûts des médicaments, aux habitudes de prescription et aux mécanismes d’assurance.
Nous avons terminé une première ébauche au milieu de 2020 et avons invité quelques membres et personnes-ressources de l’extérieur à en prendre connaissance et à formuler leurs commentaires. Nous avons ensuite produit une deuxième ébauche, que nous avons ensuite diffusée aux membres de l’ICA à des fins de commentaires à la fin de 2020. Après avoir pris connaissance des commentaires des membres, nous avons mis au point notre ébauche, que nous avons ensuite soumise à l’examen et à l’approbation de la Direction des affaires publiques de l’ICA à la fin de janvier 2021.
Ces cycles d’examen et de commentaires nous ont permis de nous assurer de représenter le point de vue de la profession et non pas celui du groupe de travail. Tous les membres du groupe étaient issus d’horizons différents et avaient des modes de pensée différents. Je crois que nous avons su démontrer que même les questions difficiles peuvent trouver des réponses lorsque les voix autour de la table sont diversifiées.
Pour la suite
Je suis vraiment heureuse d’avoir pris part à cette expérience et d’avoir contribué un tant soit peu au débat national sur cette question. J’ai appris beaucoup auprès de mes collègues au sein du groupe de travail et j’ai dû remettre en question mes propres modes de pensée à divers égards.
Mon plus grand souhait en ce qui concerne notre proposition est bien simple. Chaque fois que j’entends parler de l’assurance médicaments dans les médias, on semble toujours présenter une solution universelle et laisser entendre que le gouvernement fédéral doit en assumer tous les coûts ou ne rien faire du tout. Je souhaite que notre proposition puisse montrer que d’autres avenues valent la peine d’être explorées et que nous sommes en mesure d’améliorer les résultats pour la santé pour tous les Canadiens d’une manière qui convienne à tous.
L’ICA tient à remercier les membres du Groupe de travail à thème unique sur l’assurance médicaments de leur formidable dévouement et de leur contribution à ces travaux :
Rob Brown, FICA, professeur émérite, Université de Waterloo et co-champion du groupe de travail. Rob est un ancien président de l’ICA et un partisan éprouvé des Leafs.
John Dark, FICA, actuaire, Co-Operators, et co-champion du groupe de travail. John est un ancien président de l’ICA. Il célèbre ses 42 ans d’adhésion à l’ICA et d’apport précieux à la pratique en assurance-vie au Canada.
Erin Crump, FICA, vice-présidente, assurance individuelle et santé mentale, Green Shield Canada. Erin est actuaire en assurance collective de personnes et possède de l’expérience en consultation, en assurance directe, en réassurance et en ressources humaines.
Bruno Gagnon, FICA, chargé de cours en Actuariat, UQAM. Bruno est actuaire-conseil retraité. Il possède 40 ans d’expérience en assurance collective de personnes.
Denis Garand, FICA, président, DGA. Denis est actuaire-conseil et travaille dans le domaine de l’assurance collective canadienne et de l’assurance maladie à l’échelle mondiale afin d’améliorer les résultats et de réduire les coûts.
Paul Kennedy, FICA, actuaire en chef, Mercer Marsh Avantages Sociaux. Paul fournit aux employeurs des secteurs public et privé des analyses actuarielles relatives à la gestion financière des régimes d’avantages sociaux collectifs.